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2/28/2020

Profil

Art & Culture

Photographie du changement - Halah Alfadl

Mener une vie d’artiste n’est ni un choix ordinaire, ni un choix aisé. Faire ce choix, dans une société aux moeurs longtemps traditionnelles comme l’Arabie saoudite, révèle un engagement. C’est le cas chez la photographe Halah Alfadl qui, à travers son travail, témoigne de la métamorphose qui s’opère actuellement dans le royaume.

“C’est au collège que j’ai commencé à me retrouver dans l’art.” C’est à cette période que Halah choisit la voie artistique et en fait sa majeure scolaire. Un choix de coeur. Dans un pays où l’art et la culture ne sont pas vraiment valorisés, cette voie semble bouchée. À cette époque, le seul débouché d’études artistiques est l’enseignement. Et les postes à pourvoir se font rares.



Malgré la pression sociale, elle tient bon. “Jusqu’à ma dernière année d’étude, mon père me disait qu’il n’était pas trop tard pour changer de voie”, raconte-t-elle consciente qu’une forme de bienveillance était à l’origine de ce discours. Mais la jeune femme, elle, croit en elle et ne se débine pas. Elle ne doute pas qu’un jour, cette passion la mènera quelque part, lui ouvrira les portes de “quelque chose de plus grand”.

Pour son Master, elle choisit les Etats-Unis. Plus précisément Philadelphie. C’est là-bas, grâce à une tutrice qui l’encourage, qu’elle découvre la photographie. Mais lorsqu’elle lui annonce être enceinte, la réaction de l’enseignante est inattendue. Elle lui suggère d’abandonner. Pour elle, à ce stade, concilier instruction artistique et enfant est impossible. La jeune fille est sous le choc. Mais elle ne renonce pas. Elle croit en ses capacités et décide de ne sacrifier ni sa grossesse, ni sa passion. De son propre aveu, cette période fut une des plus difficiles de sa vie. Mais elle a su puiser en elle les ressources nécessaires pour se dépasser. Lors de son dernier semestre, sa tutrice fait marche arrière et lui propose à nouveau de l’encadrer. Aussi difficile fût-elle, cette expérience américaine sera un tournant dans la vie de la jeune Saoudienne. Elle rentre au pays une nouvelle fois changée.

L’ouverture et le cycle du changement comme projet artistique

Car ce n’est pas la première expérience étrangère pour Halah. Enfant, elle suit son père au gré de ses affectations à l’étranger. Cinq années passées en Egypte, en Mauritanie ou encore en Espagne. Ce sont tous ces voyages hors des frontières saoudiennes qui l’ont construite. Grâce à cette ouverture, elle envisage le monde et la vie différemment.

Ce constat est à l’origine de son premier projet artistique : une série d’interviews de 50 femmes saoudiennes émancipées par le voyage et la découverte d’autres cultures. L’idée était de capter ces nouvelles identités singulières. Et quelle meilleure empreinte de la singularité que l’oeil ? Ce travail, Halah l’a même exposé en 2018 en France, à l’Institut du monde arabe à Paris.



Pour Halah, l’oeil représente aussi le cycle du changement, un changement que ces femmes embrassent, s’affirmant de plus en plus face aux pressions sociales et familiales, et d’autant plus dans le contexte de libéralisation du royaume saoudien. « Les changements qui sont survenus au cours des 15 dernières années sont absolument inédits dans l’histoire du pays », confirme Halah qui loue la nouvelle place de l’art et des artistes dans les moeurs saoudiennes. Ni Halah, ni personne d’ailleurs, ne peut affirmer savoir à quoi ressembleront les années à venir, mais une chose est certaine : munie de son appareil photo, elle souhaite être un témoin privilégié de ce changement.